Opinion | Gâchis de compétences : il faut une nouvelle voie pour détecter les talents
Par Nathalie Dupuis-Hepner (membre des Company Doctors), Christophe Collin (membre des Company Doctors). Publié le 31 janv. 2020 à 9h00
Il est temps pour les entreprises de cesser de considérer qu’elles « possèdent » leurs collaborateurs. La Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, obligatoire depuis 2005 dans les entreprises, ne remplit pas suffisamment son rôle. Il faut trouver un nouveau chemin pour éviter la déperdition de compétences et détecter les talents, écrivent les consultants Christophe Collin et Nathalie Dupuis-Hepner. Il est temps pour les entreprises de cesser de considérer qu’elles « possèdent » leurs collaborateurs.
Salariés « placardisés », obsolescence programmée à 45 ans… Quel gaspillage de compétences ! Et ce malgré une forte ambition de la Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC), obligatoire depuis 2005 dans les grandes entreprises, focalisée sur les enjeux d’adaptation.
Ce dispositif peine, en effet, à révéler les potentiels dormants, à mieux penser la régénérescence et anticiper le réemploi de compétences existantes. Et si l’inspiration venait de l’économie circulaire, qui bâtit une croissance soutenable, car plus économe en ressources ? Elle invite à de nouveaux modes de conception, de fabrication et de consommation, et au prolongement des durées d’usage des produits et services. Chaussons ces lunettes pour tenter de créer une chaîne constructive dans l’entreprise qui favorise efficacité, pérennité du cadre de vie et bien-être des personnes.
Cartographie des gisements inexploités
Le premier pas de l’économie circulaire, c’est la prise de conscience authentique du gaspillage, déclencheur de la mise en mouvement. Dans l’entreprise, la nécessité d’agir va pouvoir s’installer durablement avec la visibilité donnée à toutes les formes de sous-emplois de compétences.
Cette cartographie des gisements inexploités et opportunités ignorées pourrait devenir un champ d’investigation très concret pour les managers. Portés par la politique RH, les outils habituels du dialogue (entretiens professionnels, revues de personnel…) serviront à la constituer, orientés pour aborder autrement « le cycle de vie des compétences ». Avec l’expérience, l’entreprise saura élaborer des indicateurs adaptés de valorisation du potentiel humain, et les traduire en objectifs de « chasse au gaspi ».
Le moteur de l’économie circulaire tourne à plein régime quand chacun trouve sa place dans l’écosystème et comprend l’interdépendance comme source de valeur pour tous. Un facteur essentiel de l’engagement réside dans la reconnaissance de l’autonomie des acteurs, interagissant sur un pied d’égalité. Peu compatible avec l’entreprise ? Pas si sûr. Cette logique favorise la construction de véritables « deals » fructueux, pour les collaborateurs et les managers : implication ponctuelle de telle expertise pointue sur un projet, rotation de collaborateurs entre services, mobilité débattue et préparée pour un salarié à l’étroit dans ses responsabilités. La DRH, promotrice de cette approche ouverte, peut endosser le rôle de garante de l’intérêt des parties et de la cohérence avec les enjeux stratégiques. Son leitmotiv : soutenir la prise d’initiatives.
Passage à l’acte
La réussite de l’économie circulaire repose aussi sur la facilité du passage à l’acte, dans un système bien compris de tous. Voilà un angle pour revisiter des accords GPEC, maquis de déclarations d’intention et dispositifs parfois trop théoriques. Il faut d’abord promouvoir les postures et pratiques favorisant un diagnostic partagé des situations. Cela pose le socle de la confiance, clé de l’implication des parties dans la construction des solutions. Ensuite, des circuits clairement balisés (appui ponctuel entre services, réaffectation…) et des mesures d’accompagnement (partage d’expériences, formation…) vont encourager un engagement efficace des acteurs. Ils y puiseront le sens qui renforcera leur responsabilisation et leur détermination.
L’adoption des principes de l’économie circulaire conforte un réel leadership : vision au long cours, mobilisation des managers et collaborateurs, mise en oeuvre simple et exigeante pour répondre à la complexité. Ce pari collectif, qui mêle lucidité et implication pour un « bien commun », est aussi porteur de performance économique et de progrès managérial. Il rejoint la prise de conscience générale d’une responsabilité de chacun dans son écosystème. L’entreprise trouve ainsi, de l’intérieur, une opportunité de rendre la sienne concrète.
Nathalie Dupuis-Hepner et Christophe Collin sont membres des Company Doctors, réseau de consultants indépendants.