Opinion | Gâchis de compétences : il faut une nouvelle voie pour détecter les talents
Par Forbes le 10 Jan 2020
Par Christelle Pradier, directrice de l’attractivité des talents France chez Sopra Steria.
Mouvement de ces cinq dernières années,
les salariés « boomerang » bouleversent les standards de recrutement.
Aujourd’hui, près de la moitié des Millennials (Source : Le Monde, 21
novembre 2018) pourraient réintégrer une entreprise qu’ils ont quittée.
Bien plus qu’une tendance, revenir dans son entreprise après avoir vécu
une autre expérience professionnelle devient une option d’évolution
comme une autre et les recruteurs ne peuvent plus ignorer ce phénomène
bien réel.
Les salariés « boomerang », une histoire de génération mais pas seulement…
Génération de « job-zappeurs », télétravail, flexibilité, équilibre vie privée/vie professionnelle : les professionnels des ressources humaines doivent composer avec une véritable révolution du rapport que les salariés entretiennent à l’emploi.
Même s’il est tentant de dire que le phénomène des salariés « boomerang » n’est qu’une question de génération, force est de constater que réintégrer son ancienne entreprise n’est pas un phénomène réservé aux Millennials. Les collaborateurs nés avant 1980 sont eux aussi tentés par l’aventure. Partis après une longue expérience pour relever de nouveaux défis et se confronter à un nouvel environnement professionnel, ils décident de revenir. Parfois nostalgiques, ils souhaitent réintégrer une entreprise qui correspond à leurs valeurs, à leurs attentes, et qu’ils connaissent de l’intérieur.
Une aubaine pour les entreprises ?
Longtemps vécue comme une trahison et un échec, la démission d’un collaborateur était perçue comme un manque de loyauté par l’entreprise qui l’avait formé et lui avait permis de développer son expertise. Le salarié démissionnaire partait faire profiter une autre organisation du savoir-faire acquis au sein de l’entreprise. L’affectif prenait alors le pas et le retour du salarié n’était pas envisageable.
C’est donc un changement d’état d’esprit que nécessite le phénomène des salariés « boomerang ». Et dans un contexte de pénurie des talents, les entreprises ont tout à gagner à réembaucher leurs collaborateurs d’hier, si le lien a été maintenu entre-temps. Non seulement ces anciens salariés réintègrent l’entreprise avec de nouvelles compétences, mais en plus ils connaissent parfaitement l’organisation !
Il est indéniablement plus facile d’intégrer un ancien salarié qui connaît déjà la culture d’entreprise, les collaborateurs, le fonctionnement et les méthodes. Il faudra néanmoins lui donner une parfaite vision des perspectives d’évolution qui s’offrent à lui afin de poser des bases solides à cette nouvelle collaboration.
La transparence, condition du succès de l’intégration d’un salarié « boomerang »
Dans la majorité des cas, la réintégration d’un ancien collaborateur se déroule sans accro. Elle n’est cependant pas anodine et doit être encadrée. Le salarié doit évidemment être motivé et
prêt à refaire ses preuves, mais il faut aussi veiller à ne pas froisser les anciens collègues, qui ont pu vivre son départ comme un abandon. Son retour doit donc être préparé et expliqué afin d’installer un environnement propice à une collaboration renouvelée et fructueuse.
Au-delà de la réintégration du salarié au sein des équipes, le succès de son retour tient également à la bonne prise en compte de ses attentes. Le recruteur doit en effet prendre conscience de la dimension nouvelle prise par le collaborateur au cours de ses précédentes expériences, mais aussi ses nouvelles ambitions. Le salarié « boomerang » aspire à une trajectoire de carrière aussi structurée, voire même davantage, qu’un nouvel arrivant. Il convient alors de définir au mieux son plan de carrière.
En d’autres termes, la transparence et l’échange sont primordiaux pour réussir pleinement la réintégration d’un salarié.
Comment maintenir le lien avec les anciens salariés ?
Garder le contact avec ses anciens talents devient l’enjeu premier. Mais comment s’y prendre ?
Les premiers atouts sur lesquels capitaliser sont les collaborateurs qui, pour certains, sont devenus des mentors voire des amis de ces potentiels salariés « boomerang » et qui conservent naturellement le lien avec les talents qui ont quitté l’entreprise. Les RH peuvent et doivent capitaliser sur ces liens indirects. Ils ont ainsi la possibilité, via un programme d’employee advocacy, de faire de leurs salariés actuels des ambassadeurs de l’entreprise.
Un programme d’alumni est aussi une solution pérenne pour animer le réseau d’anciens salariés. Ce format n’est certes pas nouveau mais il n’a jamais été aussi adapté à la situation, dans la mesure où il permet de garder contact avec ses anciens collaborateurs. Il assure ainsi une meilleure diffusion des informations relatives à l’entreprise, ses évolutions et transformations et les nouvelles opportunités qui peuvent s’y créer.
Alors que la pénurie de talents ne cesse de croître, le phénomène des salariés « boomerang », lui, prend de l’ampleur. Et s’ils étaient une partie de la solution pour y remédier ?